Blog

Blog » MESURES PROVISOIRES DANS LES PROCÉDURES ARBITRALES EN HONGRIE

MESURES PROVISOIRES DANS LES PROCÉDURES ARBITRALES EN HONGRIE

17 October 2019

La nouvelle Loi Hongroise sur l’Arbitrage, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, a introduit des changements majeurs dans le domaine de mesures provisoires en arbitrage en Hongrie, utilisées rarement dans la pratique. Est-ce que ces changements rendront les mesures provisoires plus populaires dans les procédures d’arbitrage dans le futur ?En ce qui concerne les mesures provisoires, les dispositions de la Loi sur l’Arbitrage reflètent les changements apportés par la Loi-Type de CNUDCI en 2006 et règlent ce domaine de la procédure arbitrale plus profondément que la loi antérieure.

1. Qui peut ordonner des mesures provisoires ?

La règle permettant aux parties de saisir le tribunal arbitral ou le tribunal étatique compétent pour ordonner des mesures provisoires n’a pas changé.

Il est évident qu’á partir du dépôt de Demande d’arbitrage la constitution du tribunal arbitral peut prendre plusieurs semaines, ou dans les situations extrêmes plusieurs mois, pour cette raison, il est raisonnable de permettre aux parties, dont les intérêts doivent être protégés pendant cette période, de saisir les tribunaux étatiques pour obtenir des mesures provisoires. Théoriquement, la partie peut obtenir des mesures provisoires auprés des tribunaux étatiques même pendant la procédure arbitrale.

2. Mesures provisoires

Sauf convention contraire des parties, le tribunal arbitral peut, à la demande d’une partie, ordonner des mesures provisoires pour :

  1. préserver ou de rétablir le statu quo en attendant que le différend soit tranché;
  2. prendre des mesures de nature à empêcher, ou de s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de causer un préjudice immédiat ou imminent, ou une atteinte au processus arbitral lui-même;
  3. fournir un moyen de sauvegarder des biens qui pourront servir à l’exécution d’une sentence ultérieure; ou fournir une sécurité appropriée,
  4. sauvegarder les éléments de preuve qui peuvent être pertinents et importants pour le règlement du différend.

En ce qui concerne le point b) ci-dessus, il faut souligner que la protection conférée par la Loi sur l’Arbitrage Hongroise est plus vaste que celui de la Loi-Type de CNUDCI, puisque la solution Hongroise permet d’obtenir une mesure provisoire dans n’importe quel type de préjudice, tandis que cette dernière protège seulement le processus arbitral lui-même.

Il en va de même pour le point c) sur la base duquel outre la sauvegarde des biens, une sécurité appropriée peut être aussi demandée.

3. Les conditions des mesures provisoires

La partie demandant une mesure provisoire doit convaincre le tribunal arbitral :

a) Qu’un préjudice ne pouvant être réparé de façon adéquate par l’octroi de dommages-intérêts sera probablement causé si la mesure n’est pas ordonnée, et qu’un tel préjudice l’emporte largement sur celui que subira probablement la partie contre laquelle la mesure est dirigée si celle-ci est accordée ; et

b) Qu’elle a des chances raisonnables d’obtenir gain de cause sur le fond du différend. La décision à cet égard ne porte pas atteinte à la liberté d’appréciation du tribunal arbitral lorsqu’il prendra une décision ultérieure quelconque.

En vertu du Règlement d’Arbitrage de CCIH, la demande pour obtenir une mesure provisoire doit être communiquée á l’autre partie, qui peut formuler des observations concernant les mesures demandées.

4. Ordonnances préliminaires

La Loi sur l’Arbitrage reprend le concept des « ordonnances préliminaires » de la Loi-Type de CNUDCI, en prévoyant que sauf convention contraire des parties, aucune partie n’est en droit de présenter, sans la notifier à l’autre partie, une demande de mesure provisoire ainsi qu’une requête aux fins d’ordonnance préliminaire enjoignant une partie á ne pas compromettre la mesure provisoire demandée.

Dans ce cas, le tribunal arbitral peut octroyer la mesure provisoire ex parte, sans communiquer la demande de mesure provisoire á l’autre partie. La partie demandante doit fournir une sécurité appropriée sauf si le tribunal l’exonère de cette obligation.

L’ordonnance préliminaire est un effet de 20 (vingt) jours, et si le tribunal arbitral ne la transforme pas en mesure provisoire, elle cesse d’exister.

5. Exécution

Les mesures provisoires peuvent faire l’objet de l’exécution forcée comme les sentences arbitrales, tandis que l’ordonnance préliminaire oblige l’autre partie dans la cadre de la procédure arbitrale, conséquemment elle ne peut pas être l’objet d’une exécution forcée.

Le tribunal étatique est en mesure de refuser l’exécution des mesures provisoires :

  1. Si les conditions d’annulation de la sentence arbitrale sont réunies
  2. Si la partie a manqué á fournir la sécurité demandée
  3. Si le tribunal arbitral l’a annulé ou a ordonné sa suspension
  4. Si le tribunal arbitral n’a pas  la compétence de prononcer des mesures provisoires
  5. Si la mesure viole l’ordre public ou les règles relatives á non-arbitrabilité

Les points a) et c) ci-dessus peuvent être considérés par le juge seulement s’ils étaient invoqués par la partie, tandis que les points d) et e) doivent être considérés par le juge « proprio motu » soit de sa propre initiative.

6. Mesures provisoires dans la pratique

Il convient de noter que les mesures provisoires étaient très rarement utilisées par les tribunaux arbitrales et étatiques dans le passé. Derrière cette approche réticente il y a plusieurs raisons :

  1. Une des raisons est que la loi antérieure sur l’arbitrage n’a pas réglé  ce domaine en détail
  2. Une autre raison est que les juges et arbitres sont souvent trop prudents pour éviter le risque de préjuger un problème légal, qui peut être pertinent dans une phase ultérieure dans la procédure.

Étant donné que la Loi sur l’Arbitrage règle la question des mesures provisoires profondément et complétement, le climat légal est prêt pour un changement de pratique.